C'est juste logique. Je peux comprendre qu'on soit lassé par ces scènes où Elmire repousse Tartuffe. Mais si c'est ce qu'on joue depuis 400 ans, c'est parce que c'est limpide dans le texte. Mordue de théâtre de rue. Je peux comprendre qu'on soit blasé devant Orgon se cachant sous la table, écoutant Tartuffe faire la cour à sa femme Elmire, je peux comprendre qu'on ne rit plus lorsqu'elle tousse afin qu'il intervienne avant que celui-ci ne la viole, je peux comprendre que ces mécaniques de théâtre classiques puissent déplaire. Mais je ne peux pas comprendre comment en rend Elmire consentante dans son jeu tout en la faisant repousser textuellement Tartuffe. On pourrait prétexter l'ambivalence féminine si cela ne se produisait qu'une fois – belle vision de la femme au passage – mais c'est un discours qu'Elmire tient tout au long du spectacle. Cela crée des scènes totalement absurdes, incohérentes, mais qui ne vont pas non plus chercher du côté de l'humour. C'est fait avec beaucoup de sérieux, et ça donne un spectacle qui se veut transgressif de manière totalement gratuite, sans s'appuyer sur rien, sans transmettre grand chose, sans aller nulle part.
Je n'ai pas tout saisi des enjeux de la privatisation, les enchaînements des scènes et les différents changements de personnages ne sont pas toujours très clairs, on ne sait pas trop où on va. J'aurais voulu en apprendre davantage et c'est surtout la déception qui parle. Plus objectivement, cela reste un bon travail, peut-être davantage un travail d'archiviste quand j'aurais souhaité une analyse plus claire de cette décision fondamentale pour l'audiovisuel public, de sa genèse, de son application, de ses conséquences directes et indirectes. J'en ressors néanmoins avec une meilleure connaissance de l'évolution de la TF1, de l'arrivée des chaînes d'information en continu, de la dictature de l'audimat et des sacrifices éditoriaux qu'elle impose. C'est un voyage au pas dans lequel il faut parvenir à se laisser porter d'une époque à une autre, des pattes d'éléphants aux jeans slims, des pulls bariolés aux costard-cravates, des manches ballons aux tee-shirts cintrés. On ne passe pas un mauvais moment, mais peut-être qu'1h30 auraient suffi.
Maison À Vendre Hoymille, 2024