Peinture délicate, parfois nimbée de mélancolie. Chaque poème porte un nom. Le Lai du Chèvrefeuille, Le Lai du Laostic (rossignol), Le Lai d'Yonec, Le Lai du Bisclavaret (loup-garou), Le Lai du Lanval … Lai del Chevrefoil A sez me plest e bien le voil, Del lai qu'hum nume Chievrefoil, Que la verité vus en cunt Pur quei fu fez e dunt. Li reis Marks esteit curuciez, Vers Tristram sun nevuz iriez; De sa tere le cungea Pur la reïne qu'il ama. En sa cuntree en est alez; En Suhtwales u il fu nez, Un an demurat tut entier, Ne pot ariere repeirier; Tristram est dolent e pensis: Pur ceo se met de sun païs. En Cornvaille vait tut dreit, La u la reïne maneit. En la forest tut sul se mist, Ne voleit pas que hum le veïst; Od païsanz, od povre gent Perneit la nuit herbergement. Ceo li dïent qu'il unt oï Que li barun erent bani, A Tintagel deivent venir, Li reis i veolt sa curt tenir. Le jur que li rei fu meüz, E Tristram est al bois venuz Sur le chemin quë il saveit Que la rute passer deveit, Une codre trencha par mi, Tute quarreie la fendi.
Mais ki puis les volt desevrer, Li codres muert hastivement Et chevrefoil ensemblement — Bele amie, si est de nus: Ne vus sanz mei, ne mei sanz vus. ↓ Traduction française: Et lors tous deux sont-ils unis Tel le chèvrefeuille enlacé Avec le tendre coudrier: Tant qu'il est étroitement pris Autour du fût où il se lie, Ensemble peuvent-ils durer, Mais qu'on vienne à les séparer, Le coudrier mourra bientôt Et le chèvrefeuille aussitôt. — Or, belle amie, ainsi de nous: Ni vous sans moi, ni moi sans vous. (Traduction de Françoise Morvan, Actes sud) À partir de cet exemple, nous remarquons bien que les lais de Marie de France, comme ceux du même temps, sont en vers de huit syllabes et ne sont pas assujettis à aucune combinaison particulière de rimes. Bientôt, au lieu d'être un récit continu, le lai devient une chanson proprement dite, avec des stances distinctes, voire même avec refrain. Le Lai de la dame du Fael, du même siècle, remplit déjà cette double condition de la chanson. → À lire: Biographie de Marie de France.
Telle fut la teneur de l'écrit Qu'il lui avait dit et fait savoir: Comme du chèvrefeuille Qui s'attachait au coudrier Une fois qu'il s'y est attaché et enlacé, Et qu'il s'est enroulé tout autour du tronc, « Belle amie, ainsi est-il de nous: Ni vous sans moi, ni moi sans vous. » La reine va chevauchant. Elle regarda le talus d'un côté du chemin, Vit le bâton, l'identifia bien, Elle en reconnut tous les signes. Elle s'éloigna un peu du chemin, Dans le bois elle trouva celui Qu'elle aimait plus qu'aucun être vivant. Ils se font fête tous les deux. Il parla avec elle à son gré, Et elle lui dit ce qu'elle voulait. Mais quand vint le temps de se séparer, Ils commencèrent alors à pleurer. Tristan s'en retourna en Galles Jusqu'à ce que son oncle le fasse appeler. Pour la joie qu'il ressentit À voir son amie, Tristan, qui savait bien jouer de la harpe, En a fait un lai nouveau; Les Anglais l'appellent Gotelef, Les Français le nomment Chèvrefeuille. Je vous ai dit la vérité Du lai que j'ai ici conté.
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